Environnement : L’air muscatier placé sous très haute surveillance

La Marseillaise| Article de Emmanuelle Strange

Une étude réalisée par le laboratoire Analytika révèle des contaminants inquiétants. La Ville de Frontignan a transmis ces analyses et celles de Air-LR aux autorités compétentes.

 

Avec le dépôt pétrolier BP, le site de l’ancienne raffinerie Exxon-Mobil dont les travaux de dépollution devraient débuter cette année et plusieurs industries polluantes, comme Scori ou Hexis, situées aux alentours, la cité muscatière surveille avec attention la qualité de son air. Sceptique quant aux analyses rassurantes fournies par les industriels et l’État, la commune a ainsi demandé au laboratoire Analytika de réaliser une étude.


Ces analyses ont été effectuées en décembre 2015, puis de février à mars 2016, via six capteurs, installés près du canal et de la friche Mobil, quai Voltaire, quai Jean-Jacques-Rousseau, place du Château et derrière le Lepap.

 

Les résultats publiés sur le site internet du laboratoire sont qualifiés de « préoccupants ». Ils concluent en effet à « la présence d’un grand nombre de contaminants organiques volatils toxiques dont l’origine industrielle ne fait aucun doute ». Parmi les substances recensées, dont la provenance reste complexe à déterminer en raison de l’influence des vents, certaines sont classées cancérigènes, mutagènes ou perturbateurs endocriniens. Reste à savoir pourquoi, à ce jour, les autorités en charge de la qualité de l’air n’ont pas signalé la présence de ces contaminants, préjudiciables à la santé des habitants.


Histoire d'y voir plus clair, la Ville a tenu à croiser les conclusions du laboratoire Analytika, en commandant une nouvelle étude, sur le site de l’ancienne raffinerie à Air-Languedoc-Roussillon. Cette association agréée pour la surveillance de l’air a rendu un rapport jugé « moins alarmant » fin novembre. Il relève bien des hydrocarbures et du sulfure d’hydrogène, reconnaissable à son odeur d’œuf pourri, mais dans des concentrations inférieures aux seuils réglementaires sur la majorité des sites de mesures. Des hausses, parfois importantes, ont cependant été constatées de manière très ponctuelle durant l’excavation des terres polluées.

 

Soucieuse de savoir quels sont les risques réels pour la population et les mesures éventuelles à imposer aux industriels pour limiter l’émission de polluants, la Ville a transmis les deux rapports à la Dreal (direction régionale de l'environnement de l'aménagement et du logement) et à l’Agence régionale de la santé. « Nous sommes responsables mais pas compétents en la matière », précise un proche du maire.

 

Engagée dans un bras de fer avec les pétroliers, BP et Exxon-Mobil depuis plusieurs années pour améliorer la sécurité des habitants, la Ville a également contribué à mettre en place début 2016, un observatoire des odeurs du Bassin de Thau, afin de clarifier l’origine et le déplacement des nuisances olfactives.

 

Les premiers résultats ne seront communiqués qu’à la fin du premier trimestre.  A l’évidence, cette traque de la pollution est un combat de longue haleine où il est parfois difficile d’y voir (ou plutôt d’y sentir) clair...

ARZF se démène pour exercer une vigilance citoyenne

 

Créée en 2011, ARZF (Action Risque Zéro Frontignan) exerce une vigilance citoyenne sur tous les sites industriels, potentiellement polluants. L’association, qui entretient « d’excellents mais superficiels rapports » avec la Ville regrette de ne pas avoir été informée plus tôt des analyses fournies par Analytika en mai dernier. « Nous ne sommes pas aptes à juger de la dangerosité des produits ou de la véracité de ces résultats, confie Gérard Chaput, le président. Mais nous sommes surpris qu’ils ne nous aient pas été communiqués. Nous, on fonctionne avec la Dreal et Air LR, dont la méthodologie diffère d’Analytika. Ce laboratoire indépendant prend en compte toutes les substances, tandis que Air LR effectue des contrôles ciblés sur des produits répertoriés par la réglementation. »

 

En avril dernier déjà, ARZF avait découvert, après coup, l’existence d’une étude sur Scori, effectuée par ce même laboratoire, qui a aussi planché sur le site de Lafarge. « Nous ne voulons en aucun cas entrer dans une controverse entre études publiques et privées, souligne le responsable associatif, mais nous allons tout de même écrire au maire pour lui demander un entretien et des éclaircissements. »

 

ARZF qui a récemment pointé une forte augmentation des émanations de composés organiques volatils du dépôt GDH (512 tonnes en 2014 contre 100 auparavant) milite toujours, et en dépit du refus de la préfecture, pour la création d’un comité de pilotage sur la dépollution de l’ancienne raffinerie. « On se doit en permanence de vérifier toutes les infos, car une interprétation erronée engagerait la validité de notre démarche. »

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