Pollution de l’air à Imphy : Harsco Minerals baisse les bras dans la Nièvre

Le Lanceur| Article de Daphné Gastaldi / We Report

Suite au combat du collectif Stop Pollutions, le site d’Harsco Metals & Minerals France à Sauvigny-les-Bois (Bourgogne) est en cessation d’activité. Épilogue d’un long combat, révélé par Lyon Capitale et Le Lanceur.

 

« C’est une victoire citoyenne », s’émeut Roger Martin. Après huit ans de lutte contre la pollution, ce retraité n’en revient pas d’un tel dénouement. Harsco Metals & Minerals France, filiale de la multinationale Harsco, doit démanteler un site de traitement des résidus d’aciéries, à quelques mètres à peine de sa maison, sur les communes limitrophes d’Imphy et Sauvigny-les-Bois, dans la Nièvre. Comme beaucoup de riverains, Roger Martin et sa femme Christelle, à l’origine du collectif Stop Pollutions, se plaignent des nuisances causées par l’industrie. De la poussière grise, émise lors du broyage et de la démétallisation des scories, retombait sur leurs habitations, jusque dans leur système de ventilation, dans les jardins et s’incrustait sur les chaussées. Ces particules ont été jugées dangereuses, selon des analyses effectuées à leur demande par le laboratoire indépendant Analytika.

Le collectif Stop Pollutions d’Imphy devant le tribunal de Nevers, le 12 octobre 2016 – Affaire Harsco © Hugo Ribes / Item
Le collectif Stop Pollutions d’Imphy devant le tribunal de Nevers, le 12 octobre 2016 – Affaire Harsco © Hugo Ribes / Item

Une victoire amère

 

“On est très heureux de cette décision, même si c’est une victoire amère. On s’inquiète pour notre santé, avec toutes les poussières qu’on a respirées”, confie Roger Martin. Ce lanceur d’alerte, ancien salarié de l’aciérie voisine, dénonce un risque sanitaire à cause de nombreuses matières toxiques déversées pendant des décennies dans ce crassier (sorte de terril) et recyclées sans trop de précautions en pleine zone résidentielle. Ces derniers jours, il observait une baisse d’activité de l’installation en contrebas de chez lui. Sans trop y croire. Son avocat, Me Lafforgue, reconnu pour avoir fait condamner le géant américain Monsanto en France, confirme l’arrêt de l’activité. “On envisageait d’aller plus loin pour demander la suspension de l’activité, nous n’avons plus à le faire, se félicite-t-il. Cela nous paraissait nécessaire. Si les alertes que nous avons lancées ont pu contribuer à faire évoluer la situation, c’est une bonne chose. La mobilisation a été utile. Il y a une prise de conscience sur la gravité de la situation.”

 

Sur la page Web de l’inspection des installations classées, qui exerce des missions de police environnementale, la cessation d’activité à Imphy est d’ores et déjà indiquée. Au cours d’une procédure engagée au tribunal administratif de Dijon par la partie adverse, la société Harsco a annoncé cet arrêt, dans un document daté du 29 novembre 2017 que Le Lanceur a pu consulter. “À toutes fins utiles, il est rappelé que les activités d’Harsco Metals and Minerals France dans la Nièvre ont cessé et le site concerné d’Imphy/Sauvigny-les-Bois est désormais en voie de démantèlement par la concluante [Harsco] qui doit le quitter avant la fin de l’année 2017”, peut-on y lire. Reste à savoir ce que la zone va devenir et où seront traités désormais ces résidus sidérurgiques stockés ou envoyés à Imphy jusqu’à présent. Contactées, ni la société Harsco ni la préfecture n’ont répondu à nos sollicitations.

La préfecture mise en cause

 

Depuis 2009, avec l’autorisation de la préfecture de Nevers, Harsco traitait le crassier où étaient envoyés les déchets d’Aperam, une société du géant Arcelor Mittal spécialisée dans les aciers inoxydables à Imphy, mais aussi ceux en provenance d’autres zones industrielles comme Le Creusot ou Gueugnon. Depuis le départ, Harsco se targue d’utiliser un procédé mécanique innovant, non chimique, pour broyer ces matières grises, appelées “laitiers”, et en extraire des métaux à forte valeur marchande.

 

Faisant fi de ses obligations, l’usine ne s’est pas embarrassée de toutes les analyses biannuelles de retombées de poussières. Il faudra des années et des menaces de poursuites judiciaires pour que la préfecture de Nevers, pourtant alertée de ces manquements, adresse des mises en demeure à la société et qu’elle impose des mesures de protection renforcées face à un potentiel risque de santé publique. Suite aux analyses réalisées en 2016 par l’Institut national de veille sanitaire (InVS) – révélées début 2017 –, les autorités finissent par reconnaître une présence “inacceptable” de chrome VI sur la zone, mais aussi de plomb et d’arsenic. Les militants de Stop Pollutions estiment ces analyses incomplètes.

 

De son côté, en pleine procédure judiciaire, Harsco réfute toute dégradation de l’air ou de l’environnement causée par son activité. Mais, dans un arrêté préfectoral du 27 juillet dernier, la préfecture décide tout de même de freiner la production, en empêchant le traitement des laitiers provenant d’autres régions après le 30 septembre. De plus, le contrat entre Harsco et Aperam à Imphy n’a pas été renouvelé en octobre, selon nos informations. À ce jour, deux procédures judiciaires sont en cours dont une contre la société Harsco, ainsi qu’une procédure administrative à l’encontre de la préfecture de Nevers. Deux nouvelles familles s’apprêtent également à saisir la justice pour obtenir réparation. À terme, les riverains souhaitent la dépollution totale du site. Et les lanceurs d’alerte d’Imphy ne comptent pas baisser la garde.

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