Qualité de l'air dans la vallée de l'Arve : La peur du plan léger et des particules chargées

Le Dauphiné Libéré (Haute-Savoie)| Article de Ludovic Favre

Pollution de l'Air | Le deuxième plan de protection de l‘atmosphère (PPA2) de la vallée de l’Arve est en cours de rédaction. Les inquiétudes ne s’estompent pas, au contraire.

 

La peur du plan léger et des particules chargées


Alors qu’une nouvelle batterie d’analyses du laboratoire Analytika révèle ce que contiennent les fameuses poussières (PM), les associations ayant participé aux ateliers de préparation du PPA2 craignent un plan pas assez ambitieux.

 

Il n’est pas prévu de voir la couleur du PPA2 avant quelques mois mais ils sont déjà inquiets. Pas assez engagé ce Plan de protection de l’atmosphère pour les cinq années à venir, voilà ce que redoutent les associations environnementalistes participant en ce moment à sa rédaction (1). Rien de nouveau sous les particules en suspension de la vallée de l’Arve diront certains. Oui mais… « Nous sommes là pour pousser, nous ne sommes pas décideurs, il est bien de rappeler au grand public quelle est notre place, notre seul pouvoir est celui de convaincre. Ce qui est sûr, c’est bien qu’étant partie prenante de sa rédaction, nous ne cautionnerons pas un PPA pas assez ambitieux », répond aujourd’hui le médecin allergologue Jacques Venjean, pas contre un petit coup de pression médiatique, pour tenter de faire bouger les lignes.

 

La crainte des demi-mesures

 

Car c’est visiblement ce que le collectif a un peu de mal à faire dans l’exercice participatif des groupes de travail mis en place par le préfet. « Nous avons beaucoup travaillé et nous avons déjà l’impression que l’on risque de se retrouver avec des demi-mesures. Selon nos informations, nous sommes très en retrait de ce qu’il faut », complète Alain Nahmias, président d’ARSMB. Il faut dire que l’exercice similaire à celui-ci, réalisé pour le PPA1 (2012-2017), a laissé les associations sur leur faim à l’heure des comptes. « Ce plan a permis, d’après ATMO Auvergne Rhône-Alpes, de réduire la pollution de l’air de 7 % concernant les particules PM10 contre des gains attendus de 30 %, de 1 % seulement concernant le dioxyde d’azote contre des gains projetés de 28 % et de 10 % concernant le benzo (a) pyrène au lieu des 25 % attendus », donne Anne Lassman-Trappier, présidente de Inspire, pour illustrer des « avancées trop timides

 

Un territoire exemplaire qui attend les moyens d’une lutte exemplaire

 

« À nos yeux, il y a un déficit de résultats notable à l’issue des 5 ans du PPA1 et un certain nombre de mesures prévues n’ont pas été appliquées » déplore Jacques Venjean. Pour l’allergologue, Jacques Nahmias, Anne Lassman-Trappier mais aussi le docteur Cécile Buvry, la faute à un manque d’évaluations régulières. « Pour ce PPA2, nous sommes très vigilants à ce que ce qu’une vraie gouvernance soit mise en place et nous insistons pour en faire partie en tant que citoyens et médecins » prolongent-ils. Pour eux, l’heure est maintenant à l’espoir de voir leurs demandes retenues et les annonces gouvernementales suivies d’effets. « Il y a eu la promesse de faire de ce territoire, un territoire exemplaire de la lutte contre la pollution de l’air. C’est maintenant un objectif national, il serait bien alors que M. Hulot annonce désormais des mesures concrètes et des financements »

 

(1) Sous la bannière d’ARSMB, d’Inspire, du Collectif médical de la Vallée de l’Arve et du Réseau Air 74, Alain Nahmias, Anne Lassman-Trappier, Cécile Buvry et Jacques Venjean ont fait le point à Annecy, dans les locaux de la Ligue contre le cancer.

Douze mesures prioritaires pour « ne pas tomber dans les travers du premier PPA »


Pour faire du PPA2 une réussite, le collectif avance 12 mesures « à retenir et à appliquer, comme socle indispensable à l’efficacité de l’action contre la pollution de l’air dans la vallée de l’Arve. » Elles font écho aux 25 mesures remises à Nicolas Hulot, le ministre de la Transition écologique et solidaire, en janvier dernier. Ces douze mesures prioritaires ont trait à la mobilité, au secteur résidentiel, aux transports de marchandises, à l’industrie bien évidemment, à la santé, aux infrastructures et à l’incinération des déchets.

 

L’idée maîtresse défendue par les associations et médecins de la vallée de l’Arve est une prise en compte de tous les polluants et de toutes les sources d’émissions. « Concentrer l’action publique principalement sur le chauffage au bois et à la vitesse des voitures sur l’autoroute n’est pas suffisant » clament-ils.

 

En somme, arrêter de se focaliser sur les particules PM 10 et agir fortement sur le dioxyde d’azote lié au transport et le benzo (a) pyrène qu’ils imputent à l’industrie. « Ce PPA a d’abord un objectif de santé publique, il ne sera pas efficace s’il n’agit pas sur tous les polluants », formalise le docteur Buvry.

 

La mise “sous vide” de l’usine SGL Carbon

 

“Leurs” mesures sont ainsi à large spectre et pour certaines drastiques. C’est le cas de celle concernant les déchets, avec une limitation de l’incinération (à l’usine de Passy) à ceux produits sur le territoire du PPA.

 

Autre préconisation forte : la mise “sous vide” de l’usine SGL Carbon. « L’épicentre de la pollution est à Passy, il faut que l’on obtienne de mesures très efficaces comme pour cette usine installée à Venissieux, Carbone Savoie, qui fonctionne en atmosphère fermée. » Contrôles plus stricts des émissions industrielles, contrôles effectifs des poids lourds, développement des modes de déplacements doux, relance du fret ferroviaire sur la ligne du Mont-Cenis viennent compléter une batterie de demandes plus classiques, qui n’exemptent pas les particuliers.

 

Extension du fonds Air Bois aux énergies renouvelables, y compris le solaire thermique et la géothermie, et interdiction des foyers ouverts ou appareils de chauffage au bois non performants dans les constructions neuves, ainsi que mise à niveau des installations de chauffage au bois lors de vente de biens, sont des pistes du collectif. Peut-être celles du PPA 2.

« Nous avons été écoutés, et ce même par les industriels »

 

Il faudra attendre la fin de l’année 2018, pour la publication du Plan de protection de l’atmosphère de la vallée de l’Arve deuxième édition.

 

Avant cela, le travail de réflexion mené au sein de huit groupes de travail sectoriels (résidentiel/tertiaire, mobilités/ transports, activités économiques, agriculture, ressources et déchets) et transverses (santé, collectivités, mobilisation citoyenne) aura servi à la rédaction du PPA2, et plus précisément à la définition de l’ensemble des fiches actions dudit plan. Cela devrait nous mener en Juin. On saura alors ce qu’il y a dans ce PPA2.

 

L’enquête publique à la rentrée

 

S’en suivront la phase de consultation et la sollicitation de l’Autorité environnementale. Dernière phase pour la rentrée de septembre 2018 : l’enquête publique d’une durée d’un mois.

 

« Aujourd’hui la balle est dans le camp de la préfecture », clament les représentants d’associations qui ont participé aux ateliers et saluent aujourd’hui la manière. « Cette méthode de travail positive et efficace, a débouché sur des propositions souvent consensuelles et bien comprises par les différents acteurs. »

 

« Par rapport à ce que nous avons connu pour le PPA1, nous avons apprécié le changement d’esprit. Nous avons été écoutés, et ce même par les industriels. Il y a eu un certain respect, il faut le noter. Mais tout cela n’empêche pas que nous soyons inquiets pour les décisions finales », complète le docteur Buvry.

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