La lente évolution de la réglementation, lourdement assujettie à des facteurs économiques, n'est pas directement liée aux progrès des connaissances scientifiques dans le domaine de la toxicologie :
Les effets toxiques des substances chimiques ne sont complètement connus que pour un nombre limité d'entre elles, lorsque elles sont administrées individuellement.
Compte-tenu de la complexité des mélanges de contaminants présents dans l'environnement, la prise en compte des seuils d'exposition individuels est insuffisante, car les effets toxiques de combinaison ou « effets cocktail » (qui peuvent être additifs aussi bien que synergistiques) demeurent imprévisibles dans l'état actuel de nos connaissances scientifiques.
Aucun seuil d'exposition susceptible de garantir l'absence d'effet significatif sur la santé ne peut être scientifiquement défini pour les substances cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques.
Les effets néfastes de ces substances sur le système endocrinien ne sont pas seulement déterminés par la dose, mais aussi par la durée de l'exposition et le stade du développement de l'organisme considéré.
La réduction des émissions industrielles polluantes ou le retrait du marché de produits nuisibles pour l'environnement ou la santé publique sont le plus souvent des décisions lourdes de conséquences économiques.
Les intérêts industriels étant aujourd'hui défendus par les administrations qui définissent aussi la réglementation environnementale, l'évolution réglementaire reste essentiellement dictée par des considérations d'arbitrage économique, sur lesquelles le pouvoir politique a perdu toute emprise (*).
(*) Le dernier en date des exemples de cette situation en Europe est le résultat des tractations autour du renouvellement de l'autorisation de mise sur la marché de l'herbicide glyphosate , pourtant classé "cancérigène possible pour l'homme".
Pour contrôler les émissions polluantes de ceux des sites industriels dont elle a mission d'autoriser puis de surveiller l'exploitation, l'administration s'appuie sur les données des "auto-contrôles" que les industriels ICPE (Installation Classée pour la Protection de l'Environnement) lui fournissent, et sur des organismes "paritaires" dont financement et fonctionnement sont en partie contrôlés par les industriels eux-mêmes :
Ces structures péri-administratives disposent donc du monopole du contrôle officiel des émissions polluantes des sites industriels classés ICPE (cf. Note 1), et de la délivrance (ou du retrait éventuel...) des accréditations que chaque laboratoire doit renouveler périodiquement pour conserver l'autorisation officielle de pratiquer des contrôles.
Un tel degré de dépendance n'est évidemment pas sans incidence sur la latitude dont disposent les laboratoires accrédités pour communiquer les résultats de leurs contrôles, dont toute publication demeure ainsi sous l'étroit contrôle conjoint de l'administration et des industriels.
Hormis leurs "auto-contrôles", les industries polluantes sont assujetties à de véritables "audits externes" seulement :
Les laboratoires accrédités qui interviennent alors pour attester de la conformité réglementaire des industries polluantes, sont soucieux :
et la surveillance des autres polluants éventuellement présents mais pas encore réglementés échappe complètement à leurs contrôles : de nombreuses substances chimiques toxiques (molécules nouvelles ou illégales, ou d'origine diffuse ou inopinée) passent ainsi totalement inaperçues, laissant un nombre et des quantités croissants de polluants se répandre et s'accumuler dans les milieux naturels.
Des "audits" ainsi conduits ne peuvent être que partiels, approximatifs, et incomplets :
(1) Les seuls sites industriels obligatoirement soumis à ces contrôles officiels sont les ICPE (Installations Classées Protection Environnement).
(2) Définie par l'industriel, cette liste est annexée à une autorisation préfectorale d'exploitation, spécifique à chaque site.
Les laboratoires de contrôle accrédités n'ayant pour mission que de doser les seules molécules visées par la réglementation en vigueur, ne procèdent pas à l'identification systématique de l'ensemble des composants de l'échantillon.
Tout contaminant dont la présence n'est :
échappe donc à ces contrôles réglementaires "ciblés".
Contrôler un échantillon en n'y dosant qu'une (ou quelques) molécule(s) ciblée(s) par la réglementation en vigueur, sans disposer au préalable des informations relatives à la composition chimique globale réelle de l'échantillon, est une démarche incomplète et souvent trompeuse, comme l'exemple ci-contre (échantillon d'eau du robinet) le démontre.
La comparaison des tracés chromatographique illustre bien la considérable perte d'informations résultant d'un protocole de dosage ciblé :
Dans cet exemple :
Prisonnier de ses propres conflits d'intérêts, le réseau des laboratoires accrédités COFRAC ne constitue en rien l'indispensable organe scientifique indépendant de surveillance des émissions industrielles polluantes qu'il prétend pourtant représenter à lui seul.
Se présentant comme dépositaires de la compétence technique, les organismes paritaires "COFRAC", "ATMO" ou "INERIS" apparaissent de moins en moins capables de délivrer les constats scientifiques indépendants que la société civile exige dorénavant.
Les intérêts économiques associés à la poursuite d'activités industrielles polluantes ou à la mise sur le marché de produits toxiques (*) sont défendus par les fonctionnaires qui définissent aussi la réglementation , sans considération des conséquences de sanitaires, alors que ces deux exigences sont essentiellement contradictoires.
Une activité industrielle respectant l'environnement et la santé publique nécessite l'avènement d'un réseau de laboratoires scientifiques privés et indépendants, exerçant leur métier dans l'intérêt général.
(*) Le dernier en date des exemples de cette situation en Europe est le résultat des tractations autour du renouvellement de l'autorisation de mise sur la marché de l'herbicide glyphosate , pourtant classé "cancérigène possible pour l'homme".