Le Midi Libre| Article de Isabelle Jupin

Pollution. Un vaste tour d’horizon sur la qualité de l’air à Frontignan a été effectué jeudi à l’initiative du sous-préfet du bassin de Thau. Philippe Nucho a annoncé un renforcement des contrôles.
Jeudi après-midi, lors d’une conférence de presse organisée à l’hôtel de ville sur la qualité de l’air, l’humeur du sous-préfet du bassin de Thau n’était plus à l’agacement face aux prises de position publiques du maire de Frontignan sur le sujet.
Philippe Nucho lui a concédé la légitimité de « s’intéresser aux questions de santé et de salubrité publiques » au travers des compétences reconnues aux maires par la loi, et a qualifié Pierre Bouldoire de « stimulant pour les services de l’État ».
Aux côtés des représentants de la DREAL (Direction Régionale de l’Environnement) et de l’Agence régionale de la santé (ARS), d’ATMO Occitanie en présence de l’association Action Risque zéro Frontignan (ARZF) et après une réunion de travail à laquelle assistaient aussi l’Agglo, le Sivom, le SAEP et le cabinet Eode qui conseille la commune sur la question des risques, Philippe Nucho a annoncé des « pistes d’amélioration ».
Son vœu est d’instaurer « un dialogue de confiance en toute transparence » entre les nombreuses industries du bassin de vie Sète-Frontignan, dont beaucoup sont classées pour la protection de l’environnement (c’est-à-dire qu’elles ont une activité à risque), l’État, les élus, les associations et la population.
Bien qu’ayant toute leur place sur le secteur, près du port de Sète, « elles causent un certain nombre de nuisances », a reconnu le sous-préfet, et sont source d’émissions multiples, notamment les composés organiques volatils (COV) ainsi que des mauvaises odeurs faisant du bassin de Thau - on appréciera l’euphémisme - « un territoire à enjeu en terme de qualité de l’air ».
L’Agence régionale de la santé saisie
En plus des différentes mesures annoncées ces dernières semaines (concernant Hexis, Scori et la dépollution de la friche Mobil, nos éditions précédentes), l’ARS, à la demande de l’État, va saisir Santé publique France, une agence scientifique et d’expertise du champ sanitaire, sur l’opportunité de réaliser une étude plus poussée : évaluation de risques, étude globale sur le territoire ou étude épidémiologique.
« Nous n’avons aucun signal sanitaire si ce n’est ces plaintes récurrentes de la population concernant les nuisances olfactives », a déclaré Christine Ricou, la représentante de l’ARS. Seront communiquées à Santé Publique France « toutes les données dont nous disposons », c’est-à-dire les déclarations des industries ICPE, tenues de publier leurs rejets et émissions, ainsi que les mesures dans l’air ambiant réalisées par Atmo Occitanie ces dernières années.
Les seuils réglementaires ne sont pas dépassés
Leur surveillance de la qualité de l’air est régulière mais ponctuelle, réalisée à l’aide de dispositifs mobiles ou de capteurs passifs. « Les résultats montrent que les valeurs réglementaires et les valeurs de référence concernant la santé humaine ne sont pas dépassées », a assuré sa directrice Dominique Tilak, ajoutant : « Néanmoins, on a pu mettre en évidence une influence des activités industrielles sur la qualité de l’air.»
Pourquoi n’y a-t-il pas de contrôle permanent de la qualité de l’air sur le secteur ? « Atmo a des obligations réglementaires et contractualisées près des centres urbains et des voies de circulation », (pour l’ozone, les particules fines et l’oxyde d’azote, NDLR), répondit Philippe Nucho. Autrement dit, la loi ne l’y oblige pas. « Il faudrait aussi savoir quels composés chimiques on cherche, ajouta Dominique Tilak. Cerner les polluants pour trouver le capteur adapté. »
Quant aux analyses réalisées par le laboratoire indépendant, Analytika, à la demande de la Ville, et qui ont conclu à une contamination chimique de l’air (ML du 3 février 2017), le sous-préfet les a jugées sans « aucun sérieux. Ce n’est pas un laboratoire agréé et il n’est même pas expert auprès des tribunaux, c’est faux. »
Reste que l’État a accédé à deux demandes de la Ville : la surveillance permanente de la qualité de l’air autour du chantier de dépollution de la Mobil (ML du 15 novembre) et la saisine de l’ARS. Pierre Bouldoire, préférant se présenter comme « un catalyseur », s’est dit « satisfait de ne pas avoir, prêché, ou hurlé, dans le désert pour rien. »
Un environnement (très) industriel
Les principales industries en activité sur le bassin de Thau sont : Saipol (transformation de graines oléagineuses pour la production d’huiles, tourteaux et biodiesel) ; Timac Agro (fabrication d’engrais) ; l’incinérateur de déchets ménagers de l’Agglo (Setom) ; le terminal vraquier Port Sud de France ; Scori (traitement de déchets dangereux et préparation de combustibles de substitution pour les cimentiers) ; Hexis (fabrication de films adhésifs) et le dépôt pétrolier GDH.
Parmi ces entreprises, Saipol, Scori, Setom, Timac Agro, Hexis plus Angibaud et spécialités ont rejoint l’observatoire des odeurs mis en place en 2016 sur le bassin de Thau avec Atmo. Il fonctionne, notamment, grâce aux observations olfactives recueillis par des nez bénévoles.
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