Le Dauphiné Libéré (Haute-Savoie)| Article de Jennifer Parisot & Sylvain Falcoz

Vallée de l'Arve | Pierre Lambert a dévoilé, hier, les premières mesures du nouveau Plan de protection de l’atmosphère (PPA2) de la vallée de l’Arve.
« Non, ce n’est pas la vallée de la mort ». Après le déferlement médiatique et les actions en justice, le préfet de la Haute-Savoie, Pierre Lambert, répond et dévoile les premières mesures du Plan de protection de l’atmosphère de la vallée de l’Arve. Les associations craignaient des « demi-mesures » dans ce PPA2, lui le qualifie « d’ambitieux ».
Sous ses mains, deux dossiers verts. L’un renferme les principales mesures du futur Plan de protection de l’atmosphère (PPA2) de la vallée de l’Arve. L’autre contient une revue de presse des articles locaux et nationaux ayant précipité cette conférence de presse en préfecture, hier.
Le préfet de la Haute-Savoie Pierre Lambert tenait à lever le voile sur les objectifs et les actions principales de ce PPA2, visant à améliorer la qualité de l’air. Une réponse aux diverses associations ayant témoigné, dans nos colonnes notamment, leur crainte de voir apparaître des demi-mesures dans ce PP2 (lire nos éditions du 30 avril).
Les 500 plaintes déposées contre X par les résidents de la vallée, dans ce dossier pollution, ainsi que l’action administrative visant à faire condamner l’État pour “carence fautive” n’y sont pas étrangères non plus. « L’État est attaqué sur sa supposée inaction. Ce n’est pas le cas », oppose le représentant de l’État.
Diviser par deux la mortalité due aux particules fines
Alors en quoi ce plan défendu par le préfet et élaboré par 300 personnes réunies en groupe de travail est-il, selon ses termes, « plus volontariste » que le premier ?
Lors du comité de pilotage du 6 avril dernier, le préfet a validé cet objectif : diviser par deux la mortalité prématurée due à l’exposition chronique aux particules fines, en faisant baisser de 30 % les PM10. Il se focalise sur la concentration, enjeu de santé publique.
Selon l’étude conduite par Santé publique France (en 2012-2013), 8 % de la mortalité annuelle de la vallée de l’Arve lui est imputable. En diminuant cette concentration, 45 décès par an pourraient être évités. Autre argument que fait valoir l’État : « Les objectifs dépasseront les exigences réglementaires françaises et européennes ».
Le PPA1 avait les mêmes impératifs. « Il a peut-être péché par manque de suivi », reconnaît le préfet, évoquant aussi un besoin de concertation, cette fois, assouvi. Dans le document soumis au comité de pilotage, une gouvernance du PPA2 est bien prévue.
Reste le nerf de la guerre : le financement. Et c’est en cours. « Nous chiffrons les mesures et j’irai frapper aux portes », répond Pierre Lambert.
Parmi les mesures, le Fonds air bois reste l’action majeure, comme dans le PPA1. 3 000 chaudières, sur les 10.000 pointées du doigt, avaient pu être changées ou mises aux normes. 3 000 de plus devront l’être. Le coup de pouce au particulier serait, lui, toujours de 2.000 €. Nouveauté, il sera élargi au gaz, avec une aide de 2000 € également. Rien n’est dit, en revanche, sur une extension aux énergies renouvelables (géothermie, solaire thermique…).
Une “police feu” autorisée à vérifier les foyers
Des efforts seront faits sur la rénovation énergétique des bâtiments. Mais surtout, la chasse aux foyers ouverts est plus que jamais lancée. Une sorte de “police du feu” sera mise sur pied.
« À l’image de la Suisse, elle aura le droit d’aller vérifier les installations dans les habitations », annonce le préfet. Une mission confiée à la police municipale, à la gendarmerie ou à des brigades vertes, cela reste à définir. Surtout que l’application de la mesure n’est pas évidente… Sa faisabilité reste à vérifier. Pour rendre la mesure possible, « on va saisir les ministères concernés afin d’avoir l’arme pénale », justifie le préfet.
Ces actions sur le chauffage devraient diminuer de moitié les 110 tonnes de particules aujourd’hui émises par an dans l’atmosphère.
Vers l’interdiction des Euro 3 dans le tunnel
Vient la question du transport. « Les camions, c’est ce que retiennent les citoyens. Mais le chauffage est largement plus impactant », martèle le représentant de l’État. Les mesures du PPA1 seront poursuivies (promotion du covoiturage, nouvelles stations GNV, gaz naturel pour véhicule, contrôles de vitesse et de fraude au dispositif d’échappement des camions). La nouveauté, issue d’un travail de concertation avec les Italiens : « Nous ne sommes pas loin de l’interdiction des poids lourds Euro 3 et même 4 sous le tunnel. D’ici janvier, on devrait être en mesure d’interdire les Euro 3. »
Des aides aux industriels
Quant aux industries ? « On ne va pas traiter les 600 de la vallée de l’Arve », prévient Pierre Lambert. Toutefois, le Fonds air industrie sera élargi à toute la vallée de l’Arve et à tous les secteurs d’activité. Et des actions réglementaires ciblées sur les secteurs du BTP et du transport des matériaux seront instaurées.
Les associations réclament une “mise sous vide” de SGL carbon. Lundi, justement, le préfet, accompagné d’élus locaux, visitera le site et annoncera les mesures réglementaires prises par l’État en direction de la société pour agir sur un autre polluant : le benzo(a)pyrène. « Mais elle n’est pas la seule qu’il faut cibler, souligne-t-il. Il faut aussi se pencher sur les menuiseries qui crachent de la fumée l’hiver, en brûlant les sciures ».
Et les autres polluants ?
Les particules fines d’accord. Mais qu’en est-il du dioxyde d’azote, lié au transport, et au benzo(a)pyrène, imputé aux industries, que les associations pointent du doigt ?
« Je pense que dans l’écriture du plan, il faut qu’on renforce le volet sur les NOx. Dont acte. »
« Les PM, notamment les particules les plus fines, sont les plus nocives en termes de santé », répond le préfet de Haute-Savoie, Pierre Lambert. C’est aussi, juridiquement, la raison d’exister du Plan de protection de l’atmosphère.
Quant aux NOx (oxydes d’azote), le préfet évoque « peut-être » un problème de mesure, dû à la localisation géographique de la station des Bossons. Admettant : « Je pense que dans l’écriture du plan, il faut qu’on renforce ce volet. Dont acte. »
« L’exposition aux NOx dans la vallée est moindre que celle aux PM. Mais il ne faut pas les oublier, précise Dominique Reignier, ingénieur sanitaire à l’Agence régionale de santé (ARS). Il y a aussi un problème d’exposition dans la vallée de l’Arve. En revanche, les NOx sont en diffusion près du trafic, des routes et autoroutes, mais se dispersent très rapidement. » Le bilan du premier plan de protection de l’atmosphère estimait à 500 personnes le nombre d’habitants de la vallée de l’Arve exposés en 2016, après avoir atteint jusqu’à 1000 personnes.
LE CHIFFRE : 54%
C’est le pourcentage d’émission des NOx dû au trafic routier en Auvergne-Rhône-Alpes, selon les données d’Atmo (les voitures individuelles comptant pour quasi la moitié). Le secteur agricole est le deuxième contributeur, en raison des activités de culture et d’élevage. Le secteur industriel compte pour 17 %.
L'Info en + : Point final en décembre
Depuis juillet, une réflexion et une concertation, avec la réunion de groupes de travail, sont menées pour élaborer ce nouveau Plan de protection de l’atmosphère. La feuille de route a été soumise au ministère de la Transition écologique. Les fiches sont en cours de rédaction. Le projet va être soumis à l’Autorité environnementale, mais aussi à l'Ineris (Institut national de l’environnement industriel et des risques). L’enquête publique sera lancée en septembre pour une finalisation en décembre.
L’ARS plaide pour un système d’information plus efficace
Présents lors de la conférence de presse préfectorale, les représentants de l’Agence régionale de santé (ARS) soulignaient un réel pas en avant à l’issue de la réunion. Si les chiffres du PPA1 concernant les PM10 (18 % de baisse contre 30 % espérés) ne remplissent pas les objectifs initiaux, l’agence affirme que la feuille de route concernant le PPA2 va dans la bonne direction.
Un objectif de 30 % de réduction des particules fines
« Les actions sont dimensionnées pour parvenir à l’objectif de 30 % de réduction des particules fines » assure Dominique Reignier, ingénieur sanitaire à l’ARS. « La lutte contre les PM10 constitue le socle de référence car c’est le polluant le plus préoccupant concernant la qualité de l’air. Avec la mise en œuvre du PPA2, les simulations tablent sur 26 jours par an de dépassement du seuil d’information en PM10, alors même qu’elles se basent sur une année de référence (2013) défavorable au niveau de la météo. »
Ce qui permettrait de passer largement en dessous des 35 jours par an de dépassement (+ de 50μg/m3) réglementaires. Au-delà des mesures annoncées, le directeur de la délégation départementale de l’ARS, Jean-Michel Hue, insiste également sur l’importance de la sensibilisation auprès du grand public. « Il faut un système d’information plus efficace, notamment lors des pics de pollution, afin de mieux sensibiliser la population sur ces phénomènes. Cela permettrait d’avoir une meilleure appropriation des risques et même de pouvoir les amortir. » Pour rappel, la pollution est responsable de 48.000 décès anticipés chaque année dans l’Hexagone, ce qui représente environ 9 % de la mortalité totale.
L’étude de la discorde
La nouvelle batterie d’analyses du laboratoire indépendant Analytika irrite le préfet. Faite à la demande du collectif Coll’air pur, elle mettait en avant la présence de métaux lourds dans l’air.
Pierre Lambert émet des « doutes sur l’échantillonnage de cette soi-disant étude ». Qu’il qualifie davantage de « relevés de données » faits sur « des appuis de fenêtre. »
Quant à la présence de métaux lourds, « je souhaiterais que les scientifiques et les sachants se prononcent. Et ce sera fait. La Dreal a demandé à l'Ineris de donner son avis critique sur cette étude Analytika, à condition que le porteur d’étude souhaite bien donner ses sources. Ce qu’il n’a pas voulu faire auprès d’Atmo. »
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