Ouest France - Pays de la Loire | Article de Philippe Ecalle & Marc Lambrechts
La Fédération éco-citoyenne de Vendées (FEVE), s'appuie sur les analyses d'Analytika, un laboratoire près de Toulon pour dénoncer la qualité du compost sortant des usines de TMB de Vendée. Un « scandale » pour Trivalis. Mais qui est Analytika ?
Pourquoi ? Comment ?
Pourquoi une telle colère de la part de Trivalis contre la Fève ?
Les responsables de Trivalis ne décolèrent toujours pas. La raison ? Les accusations de la Fédération éco-citoyenne de Vendée (Fève). Elle dénonce la mauvaise qualité du compost issu des usines
de tri-mécano biologique et réclame la suspension de sa distribution aux agriculteurs. Pour cela, elle s'appuie sur les analyses d'un laboratoire. Celui-ci a découvert des «
micro-contaminants organiques cancérigènes » et la présence de certains métaux (zinc, plomb...) dans des proportions alarmantes, dépassant très largement les normes autorisées.
« Une campagne de dénigrement scandaleuse », répond Trivalis, qui parle de « méthodes douteuses » et de « procédés malhonnêtes » pour le «
discréditer ». Remonté, Trivalis se réserve même le droit d'entamer « toute procédure judiciaire qui permettrait de rétablir la vérité ».
Qu'est-ce qui est en jeu ?
Depuis 10 ans, la Fève est le poil à gratter de Trivalis. C'est elle qui a fait capoter le projet d'incinérateur. Et c'est encore elle qui ferraille contre les usines de tri mécano-biologique. Le plan en prévoyait cinq au départ. À ce jour, deux sont sortis de terre, à Saint-Christophe-du-Ligneron et au Château-d'Olonne. Pas sûr qu'il y en ait une troisième...
Trivalis, qui exécute le plan voulu par le conseil général, a déjà investi 50 millions d'euros dans les TMB. Et les usines ont connu des problèmes au démarrage, peinant à tenir les objectifs de
recyclage des déchets. Dans ce contexte, les révélations de la Fève mettent Trivalis et le conseil général en fâcheuse posture. Ou bien le labo dit vrai, et c'est inquiétant ; où le labo n'est
pas crédible, et c'est la Fève qui est discréditée. D'ou la sévère mise en cause, par Trivalis, de l'intégrité de la Fève.
Qui a effectué les analyses ?
Le centre Analytika. Fondé par Bernard Tailliez en 1991, à Palaiseau, dans l'Essonne, il s'est ensuite installé à Cuers (Var). Sur son site, Analytika est présenté comme « une société de droit privé, au financement entièrement assuré sur fonds propres, ne dépendant d'aucun sponsor, ni industriel ni institutionnel, susceptible d'exercer d'éventuelles pressions en cas de conflits d'intérêt ». Le labo se dit également « partenaire de l'Ademe et de la Région Paca, et agréé à la cour d'appel d'Aix-en-provence ». A priori, des gages d'indépendance.
Qui est Bernard Tailliez ?
Âgé de 71 ans, il est le fils de Philippe Tailliez (décédé en 2002), précurseur de la plongée sous-marine avec le commandant Cousteau. Titulaire d'un doctorat en chimie, il a travaillé cinq ans aux États-Unis sur l'analyse chimique des molécules.
S'il ne fait pas mystère de certaines convictions, héritage de son père, « qui a très vite pris conscience de l'extraordinaire fragilité de la bande côtière », il estime que cette sensibilité écolo « n'est pas incompatible avec la rigueur scientifique ». « Je ne fais pas des analyses pour que ça arrange ou que ça dérange, ajoute-t-il. Je ne porte pas de jugement. Je dis seulement ce que je vois. »
Ce laboratoire est-il fiable ?
« Il m'est apparu indépendant et honnête, avec la volonté de dénoncer une certaine omerta », souligne François Bernier, médecin à Saint-Nazaire. Après le naufrage de l'Érika, ce dernier, avec le Collectif citoyen anti-marée noire de Saint-Nazaire, a bataillé contre Total et a fait appel à Analytika. À l'époque, les analyses du labo avaient conclu que le navire ne transportait pas du fuel lourd, mais un « déchet » (issu des boues de forage ou des déchets de raffinerie) qui n'aurait jamais dû prendre la mer. Ces analyses n'ont jamais été attaquées par Total...
Plus récemment, à la demande d'une association, Analytika a examiné une décharge à ciel ouvert, à Septèmes-les-Vallons (Bouches-du-Rhône). Il a révélé la présence de nombreux polluants industriels, y compris des perturbateurs endocriniens.
Si les analyses sont crédibles, le compost est-il dangereux ?
Tout dépend de l'échantillon prélevé. Sur ce point, Trivalis a de forts soupçons. « Notre compost est systématiquement contrôlé et certifié par un laboratoire indépendant, agréé par l'État », rappelle le syndicat. Qui s'interroge sur l'origine de l'échantillon. Provient-il des lots destinés aux agriculteurs ou est-il issu des « refus », ces déchets qui ne sont pas destinés aux terres agricoles ? La Fève, elle, maintient sa version. « Notre échantillon a été récupéré à la sortie de l'usine de Saint-Christophe-du-Ligneron. Le compost était destiné à un champ », assure Paul Arrivé, président de la Fève.
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